Le marketing fournit peut-être une approche nouvelle pour la promotion de la ville.

Cette démarche, qui devrait intéresser chaque responsable, peut s’appliquer non seulement à des causes commerciales mais aussi sociales ou politiques et même à la gestion publique. Dès lors, pourquoi ne pas faire le marketing de la ville, comme on l’a fait à Poitiers?

Le choix du thème «city marketing» pour le congrès national de la Jeune Chambre Economique de Belgique répond à deux objectifs

Introduire une approche extérieure des problèmes de la cité

L’idée est née, voici de nombreuses années, alors qu’après les travaux sur le tourisme, thème national animé par le regretté Jean-Luc Meyers, la Jeune Chambre Economique de Liège se proposait d’éditer une plaquette de promotion de la ville. Il nous était cependant vite apparu qu’il fallait auparavant mieux connaitre ceux qui en étaient les destinataires et ce qui en constituait l’objet. Ensuite, nous pourrions décider comment diffuser notre message. Bref, il fallait appliquer à Liège le raisonnement du marketing: partir du marché.

Nous avons donc entrepris d’interroger les Liégeois - les premiers intéressés - sur l’«image» qu’ils avaient de leur ville ainsi que les investisseurs établis dans la région sur leurs attentes. Dans notre «segmentation», nous avions bien sûr identifié aussi les touristes mais les moyens financiers ont manqué pour mener la même étude auprès d’eux. Nous avons ensuite inventorié les atouts de Liège en rapport avec les réponses que nous avions obtenues. Enfin, nous avons commencé à réfléchir sur la stratégie à mener pour faire de Liège une cité compétitive, eu égard à la concurrence qui existe entre villes et régions par rapport à leurs résidents, leurs touristes et leurs investisseurs.

Il est maintenant possible de contribuer à la promotion de Liège d’un point de vue plus sûr, parce qu’externe, partant du marché. C’est en effet la prise en considération de cette dimension externe des problèmes de la cité qui apparait comme l’apport fondamental de cette démarche.

Appliquer cette démarche à chaque communauté

Entretemps, il nous est apparu que cette métropole que nous voudrions qualifier «d’équilibre»n’était pas unique. Chaque ville, chaque région a à se définir d’une certaine manière par rapport à l’extérieur. C’est pour aider à cette réflexion que nous avons décidé d’organiser cette journée d’échanges à l’intention non seulement des autres Jeunes Chambres Economiques mais aussi des responsables d’autres cités. Aussi le congrès a t-il été placé sous le patronage de l’Union des Villes et Communes Belges et du Crédit Communal de Belgique.

Les jeunes Chambres représentent un capital intellectuel important, assorti des qualités d’imagination, d’adaptabilité et de productivité propres à la jeunesse qui peut être mis à profit par les responsables socio-économiques locaux pour les aider à développer leur communauté.

Elles consentent, à cet effet, des efforts importants de formation et d’information dans le cadre desquels entre ce congrès. Précisons qu’il n’a pas de prétention scientifique pure, mais plutôt l’ambition d’appliquer une technique inusitée à la solution de problèmes concrets. Nous espérons qu’il leur apportera, en même temps qu’à leurs aînés, une méthodologie et des idées neuves qu’elles pourraient utiliser pour promouvoir mieux leurs cités.

Le Marketing

Le concept «marketing» est neutre. Il peut s’appliquer dans toute situation de marché. C’est le cas des villes et régions face à leurs résidents, touristes ou investisseurs.

«L’attitude marketing, note Denis Lindon, professeur au Centre d’Enseignement Supérieur des Affaires de Jouy-en-Josas, c’est la conviction qu’on ne peut agir efficacement sur les gens, ou pour eux, que si on les connait bien; pour les connaitre, il faut utiliser si possible des méthodes scientifiques ( études de marchés, études de motivation, etc …); pour les influencer ou mieux les satisfaire, il faut s’adapter à leurs besoins, à leurs attitudes et à leurs comportements, et utiliser les techniques modernes de communication, de distribution, de vente, etc …» (1)

Marketing social, politique …

Cette attitude a donc pu s’appliquer à d’autres causes que commerciales: des causes sociales (marketing social) et des causes politiques (marketing politique), d’abord. Le premier est ainsi défini par Philip Kotler: « Le marketing social est l’élaboration, l’exécution et le contrôle de programmes cherchant à accroître l’adhésion à une idée, à une cause ou à un usage social dans un ou des groupes cibles. Il utilise la segmentation de marché, les études de marché, la mise en valeur des concepts, la communication, la «facilitation», les stimuli, la théorie des échanges pour obtenir le maximum de réaction des groupes cibles» (2)

Marketing du service public…

De même, « de nombreux services publics ont compris qu’ils devaient adapter volontairement, c'est-à-dire sans y être contraints par la pression de la concurrence ou du marché, certaines méthodes du marketing et surtout son attitude fondamentale, à savoir le désir de mieux connaître la clientèle pour mieux la satisfaire. Les principales applications de cette démarche concernent la définition même des objectifs d’un service public, l’adaptation de ses produits aux besoins des usagers, la fixation de ses prix (tarification) et la politique de communication avec le public» (1). Certains font immédiatement remarquer qu’il; convient d’adapter la démarche à ce contexte particulier que constitue l’Administration(3) voire même se garder d’en abuser (4). A l’opposé, les «Nouveaux Economistes» vont jusqu’à proposer de réintroduire non seulement le marché mais aussi la concurrence et la notion d’avantages comparatifs dans ce domaine (5). Il reste en tout cas que, sous le nom de «management public», un courant essaie effectivement d’appliquer à la gestion des services publics et, plus généralement de toutes les organisations « non profit» (ne visant pas le profit), les principes de gestion et d’efficacité des entreprises privées.

Marketing de la ville

De la même manière, et parce que les villes et régions sont en concurrence pour les résidents, les touristes et les investisseurs, on peut penser à leur appliquer le concept «marketing». Introduire la démarche marketing pour la promotion et donc la gestion d’une cité parait peut être encore plus ambitieux, dans la mesure où il s’agit de travailler plus sur une image extrêmement complexe que sur un seul produit ou un seul service et que les éléments qui composent cette image ne sont pas tous contrôlés par les autorités municipales. Celles-ci pourraient cependant adopter ou faire partager une politique générale de marketing et même, dans les choix qui leur incombent, concrétiser cette politique. C’est ce qu’a fait la municipalité de Poitiers à l’instigation de M. J. Zlatiev, aujourd’hui Doyen de la Faculté des Sciences Economiques.

L’exemple de Poitiers

Poitiers cherchait à s’industrialiser, et au lieu de s’en tenir à des méthodes traditionnelles, a fait appel à des spécialistes du cabinet Bernard Krief à Paris qui ont d’abord mené diverses enquêtes auprès d’industriels et de cadres d’entreprises. L’image de Poitiers apparut assez décevante: la ville n’est pratiquement pas connue, elle n’intéresse pas les entreprises. Or on constate qu’à côté de critères techniques (localisation, main-d’œuvre, climat social) qu’il s’agit évidemment de satisfaire, le choix des industriels est influencé aussi par le logement, les loisirs, l’enseignement et les communications.

Poitiers a rencontré ces exigences en définissant les axes d’une politique destinée à donner de la ville une image plus dynamique et plus attrayante. A vrai dire, ces réalisations n’étaient pas nécessaires mais, isolées, elles n’auraient pas porté tous leurs fruits.

Cette action d’équipement a alors été appuyée par un effort de promotion auprès de la population, d’une part, et des «clients» d’autre part: championnats sportifs, congrès et colloques nationaux et internationaux, festivals culturels, journées cinématographiques, soins apportés aux relations publiques, création d’une maison du Poitou à Paris …

Résultat: 4.000 emplois créés au cours de la seule année 1970! Cette politique a délibérément porté sur les cadres d’entreprises parce que l’industrialisation paraissait prioritaire. Elle peut aujourd’hui viser d’autres buts. Elle peut aussi inspirer d’autres villes dans de toutes autres circonstances. La leçon la plus importante qu’il faut en tirer est la cohérence du déroulement des actions menées (7) (8).

Trois phases

Ainsi, nous pouvons proposer de structurer la réflexion et l’action en trois phases: la demande, le produit, la stratégie. Elles s’appliquent aux trois publics identifiés: les résidents, les touristes et les investisseurs. Une quatrième cible, qui ne serait pas la moins importante, pourrait encore être considérée: les pouvoirs centraux publics et privés (gouvernements, organisations internationales, directions nationales et internationales de grandes entreprises ou institutions, …) mais nous les inclurons dans les «investisseurs».

La première question à se poser est: «à qui s’adresse-t- on?».

Pour, chacun des publics visés, qu’il faudra encore segmenter, il s’agit de connaitre les besoins à titre d’utilisateurs potentiels de la ville. On procèdera par enquêtes auprès d’échantillons de «prospects» et de «consommateurs»: résidents, touristes ou investisseurs.

La deuxième question est: «que peut-on et que veut-on offrir?».

On analysera la situation actuelle ou potentielle, les forces et faiblesses du «produit» et la corrélation entre les équipements et services et leur utilisation. On pourra alors soit créer le produit ou le service voulu, soit renforcer les qualités du produit existant.

La troisième question, «comment s’y prendre»,

amènera en fonction des moyens disponibles à se fixer des objectifs destinés à améliorer l’image et l’attractivité du produit par une promotion adéquate. Une grande variété de moyens est disponible: action sur le prix, par la prospection, la publicité, les relations publiques ou par la presse…

C’est d’ailleurs selon ce plan que se déroulera le congrès au travers de commissions spécialisées selon les publics visés. La dernière phase sera cependant traitée en séance plénière, permettant une vue d’ensemble des travaux. Nous espérons fermement qu’ils seront profitables à nos cités, à leurs responsables et à leurs Jeunes Chambres Economiques et nous leurs y donnons rendez-vous.

Jean Claude Lahaut

Références

  1. Lindon D., Le Marketing sans but lucratif, Le Management, 46, avril 1974
  2. Kotler Ph., Atteindre des objectifs sociaux à travers un marketing social, Revue Française du Marketing, cahier 60, janvier-février 1976
    Serraf G., Proposition pour définir un véritable marketing des problèmes sociaux, ibidem
  3. Laufer R., Le Marketing du service public, Revue Française de Gestion, novembre- décembre 1976
  4. Bon J., Delabre A., Nioche J.P., Les Abus du marketing, Revue Française de Gestion, janvier-février 1977
  5. Lannes S., Que veulent les nouveaux économistes? interview de Jean-Jacques Rosa, L’Express, 5 juin 1978
  6. Barraux J., La grande Mode du management public, Economia, 34, mai 1977
  7. Alexandre R., Monsieur le >>Maire, manager malgré lui, L’Expansion, mars 1976
  8. La Nouvelle Gazette, Un exemple de Marketing urbain: Poitiers, Mouvement communal, 11/77